24.03.2008
Dans une interview à Libération en octobre 2007, le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation lançait un avertissement au monde à propos des biocarburants, les qualifiants de "crime contre l'humanité".

"Si le plan de Lula et de Bush sur les agrocarburants se matérialise, ce sont 26 millions d'hectares de terres vivrières qui seront affectées à la production de bioéthanol et de biodiesel. La faim va augmenter de façon effroyable. Pour faire un plein de 50 litres avec du bioéthanol, il faut brûler 232 kg de maïs. Avec ça, un enfant zambien ou mexicain vit une année. Pour toutes ces raisons, je demande que le transfert de cultures vivrières vers des cultures industrielles d'agrocarburants soit interdit pendant au moins cinq ans par les Nations Unies. Dans ce délai, la science va progresser et il sera possible d'utiliser des déchets agricoles ou les parties non utiles de la plante pour faire rouler les voitures. Mercedes a déjà un programme avancé, qui consiste à planter de la jatropha, un buisson poussant sur des terres arides et qui n'entre pas en compétition avec des plantes alimentaires. (...)

La fabrication de bioéthanol soulève d'autres problèmes que la seule sûreté alimentaire de millions d'individus. C'est un agrobusiness qui brasse des milliards de dollars, réservés à de grands groupes industriels. L'énergie finale est peut-être plus propre, mais quand on analyse le cycle de vie du biocarburant, pour le fabriquer, il faut tellement d'eau et d'énergie que les avantages s'amenuisent. Il existe de nombreuses autres critiques vis-à-vis de ces agrocarburants, mais je me concentre sur ce qui est absolument catastrophique, qui menace une partie de l'humanité et qui est déjà en marche.

Le prix du blé au niveau mondial a doublé en quelques mois, celui du maïs au Mexique a plus que quadruplé en deux ans. Le prix de la nourriture, de la terre augmentent de façon extraordinaire, et donc l'expulsion des paysans s'accélère.

En Occident, la société civile se mobilise de plus en plus contre les sociétés multinationales qui dominent une large part de la production et de la distribution des aliments. Il faut que les gens sachent qu'une opposition aux agrocarburants existe et qu'ils doivent l'appuyer. Chacun est responsable de tout, devant tous. Pendant le temps de cet entretien, des dizaines d'enfants sont morts. La responsabilité de chacun est engagée devant ce crime contre l'humanité."