Régime policier  
15.05.2009
Dans son rapport pour l'année 2008, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité dénoncent les évolutions qui sont maintenant généralisées dans une police qui n'est plus celle d'une démocratie. "Violences illégitimes, comportement indigne de la fonction, atteintes à la dignité des personnes arrêtées, recours abusif au menottage, fouille à nu quasi-systématique", telles sont les pratiques courantes dans la police de Sarkozy.

Parmi les cas dont la Commission a été saisie, il y a notamment "un lycéen de 16 ans, a été blessé par un tir de lanceur de balles de défense lors d'une manifestation anti-CPE à Nantes. Les conséquences de ce tir, alors que cette arme était encore en expérimentation, ont été extrêmement graves pour ce jeune homme, qui a presque perdu l'usage de l'oeil droit."

Recommandation de la Commission: "Eu égard aux conditions requises pour un usage correct du lanceur de balles de défense, la Commission s'interroge sur sa compatibilité dans le cadre d'une manifestation (proximité et mobilité des manifestants). Tous les personnels doivent être munis de signes de reconnaissance clairs et visibles lorsqu'ils servent en civil dans un tel contexte, y compris le chef du dispositif. Les sommations ou les injonctions de quitter les lieux adressées aux manifestants doivent pouvoir être entendues distinctement par un maximum d'entre eux afin d'éviter des mouvements de foule et l'usage d'un mégaphone, prévu par les textes, s'impose à cette fin. Tout en ayant pleinement conscience de l'impossibilité de filmer intégralement l'action des forces de l'ordre lors des rassemblements sur la voie publique, la Commission recommande que les phases d'engagement au contact des manifestants et, dans la mesure du possible, l'usage des armes de dotation les plus dangereuses soient filmés par un ou plusieurs fonctionnaires exclusivement missionnés à cet effet. La conservation de ce film, qui pourrait servir d'outil pédagogique de formation, devrait en outre être d'une durée suffisante pour permettre sa visualisation par l'autorité judiciaire en cas de plainte déposée pour violences illégitimes."

Recommandations de la Commission à propos du comportement des policiers: "La pratique du tutoiement, l'usage de paroles vexantes, ainsi que toute attitude susceptible d'être interprétée comme un acharnement discriminatoire, sont à proscrire absolument. La Commission rappelle fermement que les personnes exerçant une mission de sécurité sont placées au service du public et doivent se comporter envers celui-ci d'une manière exemplaire."

La commission dénonce également un recours au menottage qui est devenu quasi systématique.
"L'utilisation des menottes doit s'inscrire dans un usage gradué de la force qui respecte l'intégrité physique et la dignité des personnes interpellées. Conformément à la note du ministre de l'Intérieur en date du 22 février 2006, l'usage des menottes doit être particulièrement mesuré et strictement limité aux besoins de l'interpellation."

De même, la fouille à nu est devenue quasi-systématique dans la police de Sarkozy. "La Commission déplore vivement que le respect de la dignité des personnes soit trop souvent ignoré, alors qu'une évaluation individualisée des circonstances et des profils devrait permettre une procédure proportionnée au danger potentiel.

Dans la saisine 2007-64, un mineur, soupçonné de dégradations d'affiches électorales à Oullins, a été invité à se déshabiller complètement, à s'accroupir et à tousser en présence d'un fonctionnaire de police. La fouille à nu, dans de telles circonstances, ne peut, à l'évidence, qu'être ressentie comme une mesure inutilement vexatoire et humiliante et constitue un manquement à la déontologie. Admettant le caractère inutile de la mesure, le ministre de l'Intérieur, dans sa réponse à l'avis 2007-130, a fait part à la Commission de la note prise par le Directeur général de la police nationale le 9 juin 2008, qui reprend les critères permettant d'apprécier la nécessité de procéder à une fouille à nu, critères que la CNDS avait pu déterminer tout au long de précédents avis."

La Commission cite également le cas des époux N., âgés de 70 ans, "fouillés à nu après s'être présentés spontanément à leur convocation, dans le cadre d'une procédure relative à l'utilisation d'un chéquier appartenant à un tiers.

La banque remet aux époux N. trois chéquiers, dont deux appartenaient à d'autres clients. Les époux ne s'en aperçoivent pas et utilisent un des deux chéquiers sept fois en l'espace de six mois avec leurs propres signatures. Le propriétaire du chéquier dépose plainte contre X pour usage frauduleux de moyens de paiement. Les époux sont rapidement identifiés par la police comme étant les utilisateurs du chéquier et sont alors convoqués au commissariat d'Athis-Mons. Dès leur arrivée, ils sont placés en garde à vue ; leurs droits leur sont notifiés, puis ils font l'objet d'une fouille, au cours de laquelle Mme N. a dû se déshabiller entièrement, "soutien-gorge et slip enlevés et fouillés" devant elle par deux fonctionnaires féminins, et M. N. a été palpé alors qu'il se trouvait en slip et tee-shirt. Aucun élément ne justifiait une telle fouille à nu, rien ne laissant présumer que les gardés à vue dissimulaient des objets dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui."
10.05.2009
France 2 va bientôt diffuser une émission de TV réalité baptisé La Zone Xtrême, un quiz opposant deux candidats qui reproduit la fameuse expérience de Milgram.

Le premier candidat, enfermé dans une cellule sur le plateau, a une minute pour mémoriser 27 associations de mots ("fortune colossale", "papier kraft", etc). Le second candidat doit ensuite l'interroger sur chacune des expressions. Et, à chaque erreur, doit administrer au candidat fautif une décharge électrique. Première erreur: 20 volts. Deuxième erreur: 40 volts. Et ainsi de suite jusqu'à 480 volts.

Immoral? Pas vraiment. En réalité, le candidat ne reçoit jamais de décharge électrique. C'est un comédien complice de la production. En revanche, celui qui pose les questions et administre les décharges est bel et bien un candidat qui croit participer à un nouveau jeu télé. La Zone Xtrême fera l'objet d'un documentaire, qui devrait être diffusé sur France 2 au plus tôt fin 2009.

Ce faux quiz est l'adaptation en jeu télé d'une expérience scientifique réalisée entre 1960 et 1963 par l'américain Stanley Milgram afin d'évaluer l'obéissance et la soumission des sujets à une autorité reconnue comme légitime. Résultat: 62,5% des 40 sujets testés par Milgram obéissaient à l'autorité qui leur ordonnait de continuer, même une fois le cobaye tombé dans le coma après une décharge de 300 volts, et allaient jusqu'à la plus forte décharge (mortelle). Et tous sont allés jusqu'à 130 volts alors que le cobaye criait déjà de douleur.

source: ecrans.fr

Un extrait du film de Costa Gavras "I comme Icare" avec une reconstitution fidèle de l'expérience de Milgram
>En savoir plus sur l'expérience de Milgram
02.05.2009
Une autre affaire dans la lignée de celle de Tarnac et qui montre de le régime de Sarkozy a l'emprisonnement facile. Ce qui se met en place en France, c'est un régime de fascisme policier et sécuritaire exactement similaire à celui de l'ère Bush aux USA...


source: Le Courrier Picard

Stéphane, un habitant d'Abbeville (Somme), âgé de 29 ans, a reçu sur son téléphone portable un SMS étonnant: "Pour faire dérailler un train, t'as une solution?".

Le SMS était envoyé par une vague connaissance de travail. Mais voilà, ce SMS a été jugé "tendancieux" par la justice. Et le jeune menuisier s'est retrouvé en garde à vue pendant 24 heures.

Jeudi 16 avril, Stéphane a été convoqué au commissariat d'Abbeville. "Ils voulaient avoir des précisions sur ce SMS. Je m'y suis rendu sans aucune appréhension, je ne voyais vraiment pas où était le mal" confie-t-il au Courrier Picard.

Mais quand Stéphane est arrivé au commissariat, les policiers lui ont parlé d'une affaire criminelle, de terrorisme, de garde à vue qui pourrait durer jusqu'à dix jours.

Les policiers lui ont même posé la question de savoir s'il était "capable de choses farfelues comme, par exemple, faire dérailler un train".

C'est alors que les policiers lui demandent le nom du collègue qui lui a envoyé le SMS. Ils perquisitionnent chez son collègue et le ramènent au commissariat. "Je me disais, ils vont faire les vérifications et tout sera terminé. En fait, le cauchemar ne faisait que commencer" raconte Stéphane.

A 16 heures, Stéphane est placé en garde à vue, sur instruction du parquet. "C'était un véritable choc. En deux secondes, j'ai eu l'impression de devenir un vulgaire criminel. Je me retrouve dans une belle cellule jaune qui sent la pisse, j'ai l'impression d'être traité comme un chien" confie Stéphane.

La garde à vue de Stéphane ne prendra fin, que le lendemain après-midi, à 16 heures.

Explications: le téléphone portable sur lequel Stéphane a reçu le fameux SMS était un appareil prêté par son opérateur de téléphonie mobile. Et le procureur de la république d'Abbeville précise: "l'opérateur a le droit de consulter ces messages et le devoir d'alerter les autorités s'il estime qu'un crime ou un délit est susceptible d'être commis."

L'erreur de Stéphane c'est de ne pas avoir alerté les autorités après avoir reçu le SMS de son collègue... Ã?ric Fouard, le procureur de la république justifie cette garde à vue car "la procédure pénale est la même pour tout le monde, que le risque soit probable ou peu probable".

Un procureur qui met en avant le principe de précaution qui prévaut en matière de terrorisme. Car derrière cette histoire incroyable, il y a bien entendu, l'affaire de Tarnac et de Julien Coupat. C'est en tout cas l'avis du procureur d'Abbeville: "Cette actualité récente a certainement joué en sa défaveur. Je comprends que, de son côté, la garde à vue puisse paraître violente mais, dans ce genre d'affaire, on ne peut prendre aucun risque."

Stéphane se souviendra longtemps de ce SMS: "C'est totalement irréel. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j'ai vécu."


Articles du blog à propos de l'affaire de Tarnac:
Arrestations arbitraires pour coup d'éclat médiatique
Interview du père de Julien Coupat
Interview de Benjamin Rosoux
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08.04.2009


Un homme a succombé à une hémorragie interne la semaine dernière peu de temps après avoir été frappé et jeté au sol par un policier anti-émeute aux abords de la manifestation anti-G20. C'est ce que montre cette vidéo diffusée par les médias britanniques.

On y voit Ian Tomlinson, 47 ans, rentrant à pied chez lui, dans la City où se déroulait un peu plus loin la manifestation contre le G20.

Ian Tomlinson ne faisait pas partie de la manif et ne provoquait aucun policier. Il avançait tranquillement, suivi de près par un groupe de policiers. L'un d'eux le pousse alors violemment dans le dos. Ian Tomlinson s'écroule par terre. Encore conscient, il reste assis au sol. Il décèdera peu après d'une hémorragie interne.
02.04.2009
source: Libération

Amnesty International dénonce dans un rapport publié jeudi "l'impunité" dont bénéficient en France, selon elle, des membres des forces de l'ordre accusés de graves violations des droits de l'homme.

"La situation est telle en France que les forces de l'ordre se sentent au-dessus des lois." Le constat est atterrant, sans appel. Il émane d'une organisation majeure, incontestable en matière de droits de l'homme : Amnesty International, qui consacre [url=http://www.amnesty.fr/_info/rapport_france/]un site spécial[/url] au sujet. N'en déplaise aux adeptes de la pensée sécuritaire prompts à casser du "droit-de-l'hommiste", le rapport publié aujourd'hui par Amnesty est une observation clinique des excès de l'action policière et de l'impunité dont jouissent les auteurs, faute de structure d'enquête indépendante et avec une justice plus prompte à classer les affaires qu'à les relancer.

Dans ces conditions, la police apparaît pour la grande majorité des victimes de ses excès comme un rouleau compresseur jouissant d'une quasi-impunité avec l'assentiment de bon nombre de procureurs et de juges. "Les homicides illégaux, les passages à tabac, les injures racistes et l'usage abusif de la force par les agents de la force publique sont interdits en toutes circonstances par le droit international. Or, en France les plaintes pour ce type de violations des droits humains ne sont pas souvent suivies d'enquêtes effectives, et les responsables de ces actes sont rarement traduits en justice", affirme Amnesty International.

Ce tableau n'est pas nouveau - en 2005, Amnesty dénonçait déjà dans son précédent rapport l'impunité des forces de l'ordre - mais en 2009, l'organisation constate "l'accentuation manifeste d'un phénomène inquiétant : les personnes qui protestent ou tentent d'intervenir lorsqu'elles sont témoins de mauvais traitements infligés par des responsables de l'application des lois sont elles-mêmes accusées d'outrage ou de rébellion envers un représentant de l'autorité. Dans d'autres cas, des personnes qui se sont plaintes d'avoir subi des mauvais traitements sont accusées de diffamation par les agents concernés."

Pour Amnesty, "ces pratiques peuvent exercer une dissuasion très forte sur les personnes qui essaient d'obtenir justice après avoir été témoins ou victimes de violation des droits humains ; elles risquent donc d'aggraver le climat d'impunité actuel". Amnesty ne nie pas la dangerosité du métier de policier qui fait que les fonctionnaires sont exposés "à des risques importants" mais Amnesty s'interroge, exemple à l'appui, sur la proportionnalité de la riposte engagée par les policiers quand ils sont confrontés à des tensions et des situations violentes.

Ainsi Hakim Ajimi est décédé d'une "asphyxie mécanique" le 9 mai 2008 à Grasse (Libération du 11 octobre 2008). Lors de son interpellation, il était maintenu à plat ventre, face contre terre, un policier avec un genou sur son dos, un autre pratiquant une clé d'étranglement. Une fois de plus, Amnesty s'inquiète de cette méthode d'immobilisation qui a déjà valu à la France une condamnation par la justice européenne.

Faute de règle détaillée sur l'utilisation de la force, Amnesty constate qu'en cas d'enquête, le parquet accorde souvent "le bénéfice du doute aux agents de la force publique". Plus largement, les liens entre police et justice poussent l'organisation à s'interroger sur l'impartialité des procédures en cas de dérives policières : "Sur 663 plaintes examinées par l'organe d'inspection de la police en 2005, seules 16 ont conduit à la radiation des agents concernés ; en 2006, seules huit allégations de violence sur 639 ont abouti à une telle radiation. De très nombreuses plaintes déposées contre des agents des forces de l'ordre sont classées sans suite par le parquet avant même d'arriver au tribunal."

Avec le sens de l'euphémisme, le rapport d'Amnesty note que "l'opinion publique peine à percevoir" justice et police comme "indépendantes, impartiales et justes quand elles traitent les plaintes contre des agents de la force publique". Dans ces conditions, Amnesty International recommande la création d'un organisme indépendant qui "pourrait être une version améliorée" de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (créée en 2000, la CNDS doit"veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République").

Toute personne devrait pouvoir saisir directement cet organisme qui devrait être habilité à enquêter sur toutes les allégations de violations graves des droits humains formulées contre les forces de l'ordre. Il aurait le pouvoir d'examiner immédiatement les lieux des faits ; de convoquer des témoins et d'ordonner la communication de documents ; de suivre les enquêtes menées par la police. Une recommandation qui ne devrait pas manquer de faire débat dans les commissariats.


A voir absolument, les témoignages sur le site en flash d'Amnesty spécialement consacré aux volences policières et à leur impunité dans le régime de Sarkozy...
09.01.2009
Interview de Benjamin Rosoux, l'une des 3 personnes de Tarnac emprisonnées arbitrairement à caue de leurs opinions et de leur mode de vie alternatif...

voir la vidéo


Interview audio - Libé

Benjamin Rosoux raconte l'attaque de Tarnac par la police sarkozyste, les conditions de son arrestation, le transfert à Paris menotté pendant tout le trajet, les interrogatoires, et finalement sa libération mi décembre.



source: fichier MP3
30.12.2008
Gérard Coupat estime, dans une interview à nouvelobs.com, que le maintien en détention provisoire de son fils, Julien Coupat, soupçonné d'avoir participé aux sabotages des lignes de TGV, procède d'une volonté politique visant à tuer dans l'oeuf toute révolte de la jeunesse contre le "totalitarisme mou qui tente de s'installer en France".

Vendredi, la cour d'appel de Paris a infirmé la demande d'un juge des libertés et de la détention de libération de Julien Coupat, en décidant son maintien en détention, dans le cadre de l'enquête sur les sabotages de plusieurs lignes de TGV commis en novembre. Avez-vous pu voir votre fils après l'audience ?

- Ma femme avait pris un parloir au cas où Julien ne serait pas libéré. Elle l'a vu pendant une demi-heure. Il était effondré après ce qu'il venait de vivre. Effondré d'avoir subi cinq fouilles à nu entre la prison de la Santé et le Palais de justice, en moins de deux heures. Quand il a voulu aller uriner avant l'audience, les policiers ont de nouveau procédé à des vérifications, il a dû enlever ses lacets, et y est allé sous leur étroite surveillance. Ce n'est qu'une fois mis dans cet état d'humiliation que l'audience a commencé. Il y a de quoi se demander si la détention préventive n'a pas pour but unique de casser les personnes. Ensuite, il s'est retrouvé face à trois magistrats en vacation qui ne connaissaient pas bien l'affaire, sachant que le dossier de Julien compte 5 tomes et qu'ils avaient 17 ou 18 affaires à traiter en moins de 8 heures. D'emblée, les magistrats se sont montrés agressifs, l'accusant de mal se tenir et le traitant d'"Essec égaré". Julien les a sentis hostiles. Il sentait que ces magistrats n'avaient pas envie de contrecarrer la volonté du parquet et du ministère de l'Intérieur.

Comment expliquez-vous son maintien en détention ?

- A partir du moment où le parquet, qui est le représentant du pouvoir politique, a utilisé une procédure exceptionnelle ' le référé rétention infirmant ce que le juge des libertés, indépendant du pouvoir politique, avait décidé, à savoir la remise en liberté immédiate ', on se doutait que personne, surtout pendant les vacances où les décisions sont prises par des juges vacataires, n'allait aller à l'encontre de l'avis du parquet. Résultat, comme l'avocat de Julien va probablement déposer une nouvelle demande de remise en liberté mi-janvier, il faudra encore 15 jours pour qu'elle soit étudiée, cela signifie que Julien en reprend pour un mois minimum, alors que rien ne justifie sa détention. Depuis le début de cette affaire, on se trouve face à une justice manipulée directement par le ministère de l'Intérieur ou indirectement par le parquet; ce qui revient au même.

Pouvez-vous le voir souvent ? Parvenez-vous à échanger tous les deux ?

- On a le droit à une visite de 40 minutes environ trois fois par semaine, sachant qu'on est sous stricte surveillance pendant les entretiens, vu que Julien est considéré comme "un terroriste dangereux". Les conditions de détention sont difficiles. Le père d'Yldune (la compagne de Julien, également gardée en détention, ndlr), raconte qu'elle est réveillée toutes les deux heures, soi-disant pour qu'elle ne se suicide pas. Quand je vois Julien au parloir, je passe mon temps à lui dire qu'il faut qu'il tienne bon, qu'il prenne de la distance. Même s'il a des gros coups de barre, comme vendredi, il reste solide face aux pratiques policières visant à l'humilier.

Vous êtes persuadé de son innocence. Pourquoi ?

- Je suis convaincu que Julien n'a rien à voir avec le terrorisme. Il est en désaccord, comme beaucoup de gens, avec une politique qui instaure une surveillance et une répression accrues des individus au nom du "tout sécuritaire", qui est le nouveau credo de notre ministre de l'Intérieur. Les jeunes de Tarnac considèrent que le capitalisme financier et l'hyper consumérisme actuels détruisent la planète et la solidarité entre les hommes et entre les peuples. Mais surtout, ce qu'on leur reproche, c'est d'être des jeunes plutôt instruits, appartenant à la classe moyenne, et ayant décidé de vivre réellement selon leurs idées. Non seulement ils contestent notre mode de vie et notre organisation sociale, mais en plus ils osent mettre les leurs en application : c'est cela qui fait peur à la police. A Tarnac, sur le plateau des Millevaches, ils essaient avec des amis de mettre en pratique une nouvelle façon de vivre fondée sur une vision collective de la société et sur une certaine frugalité. C'est une expérimentation sociale. Et c'est pour cela que leur collectif a choisi le plateau des Millevaches, un milieu âpre, pauvre, froid et symbole de résistance, pour ainsi développer ces liens sociaux tellement enrichissants.

Que pensez-vous des pièces à charge du dossier ?

- Dès le premier jour, la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a clamé qu'elle avait beaucoup de preuves à charge. Et puis, en quelques jours, ces preuves sont devenues un faisceau de présomptions, c'est à dire pas grand chose. Aujourd'hui, son dossier ne tient tellement pas la route qu'elle est obligée d'extirper des bibliothèques un livre aux auteurs anonymes. C'est vraiment n'importe quoi. Entre temps, heureusement, trois jeunes de Tarnac ont été libérés'?¦ Il ne reste que Julien et Yldune.

La police a donné aux journalistes un certain nombre d'éléments à charge pour laisser penser qu'elle avait attrapé un gros poisson. Ces éléments étaient censés prouver qu'il s'agissait de terroristes. Selon cette version, Julien serait un "grand terroriste" parce qu'il n'utilise pas de téléphone portable, parce qu'il est soi-disant caché à Tarnac, parce qu'il a passé clandestinement la frontière entre le Canada et les Etats-Unis'?¦ C'est grotesque. Mais ce que le ministère de l'Intérieur ne comprend pas, c'est que tous ces indices ridicules ne sont que des éléments du mode de vie que les jeunes de Tarnac ont choisi. Julien, pour ne prendre que la dernière accusation, ne se déplace qu'en stop, afin de prendre le temps de rencontrer et de comprendre les gens. Quant à se "cacher" à Tarnac, c'est tout le contraire : le collectif est très intégré au village, c'est grâce aux enfants du collectif que l'école se perpétue, ils tiennent l'épicerie, le bar-restaurant, le ciné-club... Je suis allé à Tarnac, et ce que j'ai vu, c'est beaucoup de travail et beaucoup de discussions. La notion de chef n'existe pas, le collectif refusant toute structure hiérarchique. Julien ne peut donc pas être "chef de bande", comme le dit Mme Alliot-Marie.

On est totalement dans la logique du marketing de la peur et de la manipulation policière. L'idée géniale mise en avant par le procureur général, c'est qu'il faut prendre le terrorisme à la base. Il a fait le parallèle avec la Bande à Baader, mettant en avant le fait que cette fois, les "terroristes" avaient été pris avant qu'ils ne soient véritablement des terroristes ! Mais, hélas pour lui, dans le collectif de Julien, il n'ont pas trouvé l'ombre d'une arme. Et pendant les six mois de filature et en dépit des dizaines de policiers à leurs trousses, ceux-ci n'ont rien trouvé de très répréhensible. Quel gâchis d'argent et d'énergie, dépensés pour rien, ou uniquement pour le cirque médiatico-policier mis en scène par le ministère de l'Intérieur !

L'enquête de police dit tout de même que Julien et Yldune ont été vus près de l'une des lignes de TGV qui a été sabotée, le 7 novembre'?¦

- Comme ils étaient suivis depuis six mois, les policiers savaient déjà tout sur eux. Nous étions tous surveillés, les enfants et les parents. Pourquoi alors, s'ils disent savoir que Julien était avec Yldune près de cette voie ferrée, ne sont-ils pas intervenus aussitôt ? Ils disent qu'ils ont perdu leur trace dans le noir pendant 20 minutes avant de les retrouver. Or, il est impossible de saboter une caténaire, à deux, pendant un laps de temps aussi court. Les professionnels sont formels. Et comment se fait-il qu'en retrouvant leur filature, les policiers n'aient pas fouillé leur voiture pour trouver des pièces à conviction ? Bizarre'?¦

De plus, ce que la police nomme des actes terroristes sont en réalité des actes vandalisme. La seule chose sur laquelle ils fondent la procédure terroriste est le lien qu'ils établissent entre les sabotages sur les lignes TGV et le livre "L'Insurrection qui vient", dont ils affirment sans aucune preuve que Julien est l'auteur principal. Dans ce livre, il est notamment écrit que la révolte peut passer par le blocage des voies de communication. Or, couper les voies de communication, n'est-ce pas ce que font régulièrement les cheminots en grève, les pêcheurs ou les camionneurs ? Cela fait un demi-siècle que les mouvements de contestation emploient cette technique. Et soudain, le ministère de l'Intérieur décide que ces actes seront dorénavant des actes terroristes. On marche sur la tête'?¦

Depuis le début, une autre histoire est connue des policiers mais n'a pas été prise en compte. Dès le 9 novembre, soit deux jours avant l'attaque policière sur Tarnac, les sabotages ont été revendiqués par des écologistes allemands militant contre le transport des déchets nucléaires. Ils écrivaient dans leur communiqué qu'ils avaient mis des fers à béton sur les lignes des TGV allemandes et françaises pour marquer un grand coup. Or, de ce que je sais, pas un policier n'est allé enquêter de ce côté là.

Mais pourquoi alors, selon vous, cet acharnement sur Julien ?

- Déjà parce que la ministre de l'Intérieur ne veut pas perdre la face en libérant une personne qu'elle s'est empressées d'accuser à la légère de terroriste. En outre, les idées des jeunes de Tarnac dérangent notre ministre, qui sait qu'il y a un ras-le-bol chez les jeunes de la classe moyenne qui pourrait s'embraser, comme en Grèce. Je pense que Michèle Alliot-Marie cherche à faire un exemple à travers Julien et à tester la capacité des Français à réagir à cette nouvelle agression liberticide. Ce qu'elle fait ainsi savoir c'est : regardez, si vous osez contester, voilà ce qu'il vous arrivera. En prenant pour boucs émissaires des jeunes ayant un casier judiciaire vierge, plutôt instruits, de la classe moyenne, elle réussit bien son coup en distillant la peur à grande échelle et en prenant le rôle de la grande déesse protectrice de tous les malheureux'?¦ Espérons que les Français ne se feront pas prendre à cette mise en scène.

Vous êtes ultra présent dans les médias. Dans quel but ?

- A l'inverse de la ministre de l'Intérieur, dont les équipes n'ont pas respecté le secret de l'instruction en accusant d'emblée le collectif, nous, les parents des inculpés, nous avions décidé d'attendre la fin des 96 heures de garde à vue avant de parler à la presse. Nous voulions respecter la loi républicaine. Mais après toutes ces déclarations qui faisaient de nos enfants des coupables ' car d'emblée le ministère de l'Intérieur a considéré qu'ils étaient coupables ', imaginez le travail qu'on a dû faire pour réparer cette image mensongère, qui, de plus, ne respecte pas la présomption d'innocence ! Imaginez comme c'est difficile de faire en sorte que les gens changent de point de vue quand, dès les premiers jours, Mme Alliot-Marie s'est efforcée de convaincre les Français qu'elle les a sauvés d'actes terroristes, dans un contexte de peur généralisée ! Par notre travail, les journalistes, en allant à Tarnac, se sont rendus compte ensuite par eux-mêmes qu'ils avaient été manipulés, voire bernés.

Vous mêlez, au combat du père qui veut sauver son fils, celui du citoyen qui s'insurge contre les pratiques politiques actuelles'?¦ Pourquoi ce deuxième engagement ?

- Mon premier objectif, c'est, en tant que père, qu'Yldune et Julien sortent de prison le plus vite possible. Car le but de la prison préventive, je le répète, dans ce cas, c'est de les casser. Plus courte sera cette période de détention, mieux ce sera pour nos enfants, qui risquent d'en sortir détruits. Nous sommes plutôt pessimistes, car nous voyons bien que Michèle Alliot-Marie et sa police politique mettront le paquet pour s'opposer à leur libération. Il faut savoir que lorsque les magistrats vont ordonner une enquête, c'est cette même police qui va s'en charger. On va donc se retrouver immanquablement confronté au ministère de l'Intérieur, et cela peut durer des années. Je pense qu'ils vont tout faire pour que cela prenne du temps. La justice est instrumentalisée par les policiers, c'en est le parfait exemple. Mais je me battrai tant que Julien ne sera pas blanchi de cette infamie et que les pratiques policières et du ministère de l'Intérieur ne seront pas remises en question.

Mon deuxième but, c'est de montrer à tous ce que je viens de découvrir : que ces lois, qui sont des lois d'exception faites pour al-Qaida et consorts, sont utilisées pour des personnes qui ne font que contester une politique, un mode de société. J'ai découvert la scandaleuse complicité entre la justice et le ministère de l'Intérieur, une complicité plus proche d'une république bananière que d'une démocratie en bonne et due forme. Ce que je veux dire c'est, d'une part, qu'il doit y avoir respect de la constitution française, donc présomption d'innocence et non présomption de culpabilité, et, d'autre part, qu'il doit y avoir respect des droits de l'Homme, donc que la prison doit demeurer un fait extrêmement exceptionnel.

Moi qui n'avais pas de forte démarche politique dans ma vie, qui votait tantôt à droite, tantôt à gauche, en fonction des personnalités politiques, qui avais été myope, un peu lâche, je sais désormais ce que je vais faire du reste de ma vie. Je vais m'engager contre ces lois liberticides : ce sont nous, les hommes et les femmes de 40 à 60 ans, qui avons laissé les gens au pouvoir mettre en place ces lois scélérates ; c'est à nous, avec l'aide des jeunes, de les faire sauter car elles sont contraires à l'esprit de la démocratie française.

Et puis, je vais mettre toute mon énergie pour que Tarnac continue à vivre, car c'est pour moi un symbole merveilleux de résistance au totalitarisme mou qui tente de s'installer en France. Merci au peuple de Tarnac de nous avoir réveillés.

Interview de Gérard Coupat par Sarah Halifa-Legrand
source: Nouvel Observateur
22.12.2008

Sur Indymedia Grèce est parue une lettre des amis d'Alexandros Grigoripoulos, le lycéen assassiné de 3 balles par un policier:

Nous voulons un monde meilleur.
Aidez-nous.
Nous ne sommes pas des terroristes, des "cagoulés", des "connus-inconnus" .

NOUS SOMMES VOS ENFANTS.

Ces "connus-inconnus" '?¦
Nous avons des rêves. Ne tuez pas nos rêves.
Nous avons de l'élan. Ne stoppez pas notre élan.

SOUVENEZ-VOUS.

Un temps, vous étiez jeunes aussi.
Maintenant vous cherchez de l'argent, vous n'êtes intéressés qu'à la vitrine, vous avez pris du poids, vous avez perdu vos cheveux.

ET VOUS AVEZ OUBLIE.

Nous attendions votre soutien.
Nous attendions votre attention, nous pensions que nous allions être fièrs de vous - pour une fois.

EN VAIN.

Vous vivez des vies fausses, la tête penchée, vous êtes alliénés, rendus au système'?¦
Vous avez jeté l'éponge et vous attendez le jour de votre mort.
Vous n'avez plus d'imagination, vous ne tombez plus amoureux, vous ne créez pas.
Vous vendez seulement et vous achetez.
De la marchandise partout.

L'AMOUR ET LA VERITE ? NULLE PART.

Où sont les parents ?
Où sont les artistes ?
Pourquoi ne sortent-ils pas dans les rues ?
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